L’architecte slovène Jože Plečnik (1872-1957) se forme à Vienne auprès d’Otto Wagner. Il quitte la capitale autrichienne pour enseigner dans sa ville natale, Ljubljana, dès les années 1920 ; il modifiera profondément l’image de la ville par la construction de places, de promenades, et de plusieurs bâtiments publics.
Son but : donner à Ljubljana une image digne de sa nouvelle fonction de capitale du peuple slovène, en la dotant de monuments aux formes « nobles », puisées dans un répertoire antique.
On imagine alors des façades pompeuses, des empilements de péristyles, de frontons et de colonnes à la romaine ; mais c’est une bien étrange architecture que Plečnik va composer. Car si le vocabulaire est là, il est dévié ou plutôt dévoyé. Par les matériaux employés : récupération sur des chantiers de démolition, fausses pierres imitant le granit, troncs d’arbres bruts, emprunts d’éléments vernaculaires mettant à l’honneur l’artisanat local. Par les collages ou empilements surréalistes : combinaisons de sphères, pyramides, cubes ; colonne de pierre soutenant une table en bois, sans oublier les multiples micro-évènements dans la ville que sont les fûts isolés, les bustes énigmatiques alignés au bord de la rue, les piédestaux sans statues…. La profusion des éléments décoratifs, souvent intégrés à la structure des édifices, frôle la saturation visuelle ; pour Plečnik ces éléments sont la part « bavarde » de son œuvre, celle qui doit parler au peuple et élever son âme, en renforçant son sentiment d’appartenance à la nation.
En parcourant les livres consacrés à l’architecte, on saisit combien l’œuvre de Plečnik déroute : baroque, maniérisme, Arts and Crafts, Gaudi slave, toutes ces propositions de filiations échouent à rendre compte de son projet. Rien d’étonnant à ce que la reconnaissance de son oeuvre se fasse en Europe au moment où se pose en architecture la question du retour ou du recours à l’histoire avec le Postmodernisme[1].
Alors Plečnik ? PoMo, poète ou mystique nationaliste ? Il offre en tous les cas une expérience de visite déconcertante. Autant que le sachet de thé à son effigie, proposé à la boutique de la bibliothèque de Ljubljana.
Danielle Laouénan
[1] C’est d’ailleurs à un architecte identifié comme Post Moderne, Boris Podrecca, par ailleurs italo-slovène installé à Vienne, que l’on doit la redécouverte de Plečnik, à travers deux expositions, d’abord à Vienne en 1967, puis en France grâce à la rétrospective qu’il co-dirige avec le suisse François Burkhardt au Centre Pompidou en 1986
Sachet de thé : dimensions :5 x 4 cm, poids : 10 gr