La revue Profil, est, au premier abord, une revue de propagande défendant les intérêts des entreprises de la construction métallique. Son but : généraliser l’emploi du métal (et de ses fameux « profils » d’où le titre), sur le territoire français et à l’exportation, dans un monde dominé par l’industrie du béton.
La maquette de la revue ne changera pas tout au long des 67 numéros. Après l’édito de Yves Maumené, souvent virulent – « le dieu béton a figé notre vie » ou encore « les champions du vrai traditionnel, du vrai lourd, du blockaus de rêves, défendu par des hordes de chiens méchants » -, on trouve au fil des pages : des brèves sur l’actualité de l’architecture et de l’industrie, plusieurs articles présentant des bâtiments récents, des articles techniques, un regard sur l’histoire de la construction métallique, la visite de l’atelier d’un artiste travaillant le métal, souvent dans le cadre du 1%.
Le premier numéro sort en 1974. La date est importante : un an auparavant c’est l’incendie du CES Pailleron à Paris et ses 20 morts, dont 16 enfants. Un traumatisme national. L’édifice, comme le millier d’autres collèges et lycées bâtis dans les années 1960, a été construit très rapidement pour faire face au babyboom, grâce à un procédé industrialisé d’ossature en acier. Coup terrible pour la filière.
Il faut contre-attaquer, prouver que le métal est le seul matériau répondant avec efficacité au besoin de rationalisation de la filière du BTP, dans un contexte de crise économique et environnementale. Plusieurs articles démontreront par le calcul la bonne résistance au feu de l’acier, et tiendront le lecteur informé des avancées du DTU afférent, ainsi que des progrès dans la construction antisismique. D’autres décriront les nouveaux procédés d’isolation thermique (le coefficient G vient d’être inventé), et leur facilité à être intégrés dans les constructions métalliques.
Face aux « structures féodales » et au secteur « attardé » de la filière béton, l’ingénieur et l’architecte, et souvent l’architecte-ingénieur, spécialisés en construction métallique, proposent de nouvelles solutions, de nouvelles formes, grâce à leurs recherches constantes de nouveaux procédés et à leur créativité. Sont présentés les travaux sur les structures spatiales de Stéphane du Château, Robert le Ricolais, Léon Karol Wilenko, les projets de Vaudou et Luthi (IFREMER de Nantes), Evano / Pellerin (école d’architecture de Nantes)…. Un nouveau vocabulaire, celui de la productivité, de l’engineering, des Bureaux d’études techniques (BET) est explicité : analyse de la valeur, coût global, industrialisation ouverte, construction par composants.
En France, la production de masse des logements a atteint son but avec ses milliers de HLM. Et déjà on critique ces grands ensembles inhumains. L’acier serait la solution pour construire des petits collectifs – appelés alors habitat intermédiaire – et même des maisons individuelles, en échappant au piège de l’architecture par composants industrialisés : sa morne répétitivité formelle. L’ossature métallique permet démontage et remontage au gré des besoins pour un habitat évoluant avec son temps, « sans aliéner le sol ». Force est de constater qu’en 10 ans d’existence, la revue peinera à montrer des réalisations abouties. Au point qu’elle saluera les maisons Phénix et leur structure métallique dissimulée.
Ce sont donc les édifices publics et industriels qui illustreront les capacités d’invention technique et esthétique de la filière métal : piscines Tournesol, usines, centre artisanal de la ZAC de Preux à Saint Herblain, banques, bureaux, écoles primaires, supermarchés….
Beaucoup des rédacteurs / ingénieurs de la revue enseignent dans les écoles d’architecture depuis 1968 et sont membres du Cercle d’études architecturales (fondé en 1951 par Auguste Perret). Ceci explique pourquoi la revue suit de près les épisodes à rebondissement de la Loi sur l’architecture, de la réforme de l’enseignement et du statut des « agréés en architecture », égratignant au passage certains architectes « corporatistes », « esclaves dorés des puissances financières », leur profession « moribonde », leurs projets « médiocres ».
On le comprend, cette revue dépasse largement ce que l’on pourrait attendre d’une revue de propagande au service d’une filière en danger. Elle contribue avec force aux débats de son temps, celui de la fin des Trente Glorieuses, s’inscrit en plein dans les conflits d’intérêts et les enjeux idéologiques qui agitent les professions du bâtiment – ingénieurs, architectes, entrepreneurs, promoteurs, constructeurs, sans oublier les politiques – qui tous, c’est à noter, participent à Profil tout au long de sa brève histoire, qui s’achève en 1985.