Texte d’introduction à l’exposition :
Les stores en toile font leur apparition joyeuse et colorée dans les publicités des revues d’architecture à la fin des années 1950 pour en disparaître à la fin des années 1960.
Au cours de ces 10 années, la Reconstruction bat son plein ; sur tout le territoire français les immeubles de logements poussent sur les chemins de grue. L’industrialisation des composants atteint sa vitesse de croisière. Le mur-rideau – ou panneau-façade ou panneau-verre on hésite encore sur les termes – efface petit à petit aspérités et nez-de-dalle ; pour des raisons économiques les balcons rapetissent, puis disparaissent ; et si la surface des baies vitrées augmente, ce n’est pas le cas de leur performance thermique, sauf à un coût prohibitif pour des HLM.
Mais très tôt, les critiques apparaissent. Dès 1958, on s’inquiète de la surchauffe provoquée par un rayonnement solaire mal maîtrisé. On a beau, à coup d’abaques savantes, prévoir la meilleure des expositions pour chaque immeuble et en toute saison, ça ne marche pas. Et l’efficacité du brise-soleil façon Corbu reste relative. L’Etat s’empare du problème et impose cette année-là, par une circulaire du Journal Officiel d’avril, « une protection antisolaire sur les façades exposées à l’Ouest ou au Midi pour les salles de séjour ».
Et il n’y a pas que la surchauffe. En 1959, à l’occasion du colloque de l’Unesco « Comment réussir les grands ensembles », le Dr Hazemann dénonce la répétition, la monotonie de ces façades planaires, s’inquiète de leur effet sur la santé mentale des habitants. On parle en 1961 à propos de Sarcelles et autres monstres similaires, de « musée des erreurs ».
Forte de ces constats, la Confédération des fabricants de toiles de France décide d’entrer en scène, sur un marché dominé par les persiennes et volets en bois ou en métal. Son argumentaire tient en trois points : efficacité, coût minime, et… gaieté !
Pour séduire les architectes, il faut démontrer que le store peut jouer sa partition dans le concert des lignes graphiques et trames épurées des immeubles. Comment ? Par la couleur. En 1962 la confédération organise un concours pour les élèves architectes des Beaux-Arts : il s’agit de travailler sur la polychromie des façades entoilées et de proposer un système d’accroche intégré au gros-œuvre. Les résultats sont publiés en 1963 dans la revue Architecture française. Suivront, dans cette même revue, six autres longs articles publicitaires, toujours en couleur, vantant les mérites du store en toile. Projeté à l’italienne, ou coulissant verticalement, il s’adapte à toutes les situations, balcons ou mur-rideau, apportant joie et fantaisie.
Curieusement, après 1968, plus de traces de stores en tissu dans les publicités. Ringardisés par les blocs-baies tout-en-un ? Adieu gaieté, bonjour efficacité thermique des vitrages.