La revue Toits de France est publiée de 1974 à 1984, créée sans doute à l’initiative de la société Siplast. Elle est entièrement consacrée à la mise en œuvre des bardeaux bitumés avec le système Paradiène et ses déclinaisons – toutes créations de Siplast – pour la couverture et l’étanchéité des toitures. Notons que son lancement coïncide avec l’arrêté du 10 avril 1974 sur l’isolation thermique dans les habitations qui impose des prescriptions en vue de réduire les déperditions de chaleur, dans le contexte de la crise pétrolière. Ce qui explique les diverses solutions associant bardeaux et système d’isolation inventés par l’entreprise, dont le Vertuile FIT pour Forte Isolation Thermique.
La revue se donne deux missions : vanter les mérites techniques des bardeaux bitumés et démontrer leur qualité esthétique.
Les pages sont ouvertes à égalité aux artisans couvreurs et aux architectes : longs interviews et compte-rendu de visite mettent en avant les compétences des uns et des autres, insistent sur la complémentarité des deux métiers, le dialogue productif entre les deux professions. Pour les artisans, souvent honorés en couverture d’un portrait en action, il s’agit de montrer leur esprit d’aventure, leur goût de l’expérimentation, et bien sûr, leur grande maîtrise du métier et leur capacité d’adaptation. A noter par deux fois, des femmes couvreuses et cheffes de leur entreprise sont présentées, démontrant ainsi l’entrée en modernité de la profession. Enfin régulièrement des reportages au sein de l’école de pose que Siplast a créé à Mondoubleau démontrent la dynamique du métier.
Soucieuse cependant de justifier son titre très « terroir » : Toits de France, la revue part aussi à la rencontre d’artisans « traditionnels », poseurs de lauze, de chaumes ou d’ardoise. Au gré des régions traversées, on trouve quelques bonnes adresses de cafés – restaurants avec le portrait de leurs propriétaires chaleureux.
L’avis des architectes est régulièrement sollicité : on croise, pour les plus connus, Michel Tournaire et Paul Faye discutant de leur concept de sitologie, Jean Renaudie de ses bâtiments d’Ivry, Thierry Mostini de ses maisons bretonnes aux formes « atypiques », ou l’ABF Pierre Prunet. Ce dernier, comme beaucoup d’autres, insiste : ce qui importe c’est le volume et la couleur, le patrimoine ne doit pas être figé, le paysage muséifié ; oui le bardeau peut être utilisé en sites et monuments classés : les matériaux traditionnels sont devenus trop chers et les savoir-faire associés ont disparu, trop d’édifices patrimoniaux sont abandonnés faute de financement pour leur sauvegarde. Le bardeau bitumé peut les sauver de la ruine à moindre frais.
Le bardeau bitumé, parce qu’il est léger, économique, rapidement posé, mais laisse quand même respirer la toiture, est LA solution pour un marché en pleine croissance : celui de l’aménagement des combles, rendu possible grâce notamment à la fenêtre de toit Velux et à son équivalent signé Siplast : le Toiciel. Des journalistes sont conviés à assister en direct à la première pose en un temps record de ce nouveau produit, et un roman-photo met en scène un couvreur et une cliente, les suivant du premier rendez-vous à la fin du chantier, la lumière entrant à flot dans un comble désormais habitable, parfaitement étanche et isolé grâce aux bardeaux et au système Vertuile.
Autre atout, qui répond à une demande de plus en plus prégnante : le vaste choix de couleurs disponibles, qui permet d’habiller les toitures terrasses des nouveaux grands centres commerciaux de couleurs vives, comme de se fondre dans n’importe quel petit village aux toitures de tuiles ou d’ardoises. Sur ce point de la polychromie, c’est le coloriste Jean-Philippe Lenclos, dont les travaux ont fait l’objet d’une exposition au CCI Pompidou en 1977 « Géographie de la couleur », qui sera cité comme référence autorisée.
Toujours dans l’esprit d’associer les architectes à la promotion du procédé, et ainsi de vaincre certaines réticences à l’emploi d’un matériau pauvre, voire vulgaire, une sous-ardoise en quelque sorte, Siplast organise un premier séminaire AME Architecture-Matériaux-Enseignement, réunissant professionnel des matériaux, architectes et étudiants en architecture. Un nouveau roman-photo mettra en scène une étudiante en architecture mettant à profit la structure AME pour rendre un dossier – passionnant – sur l’étanchéité monocouche.
Toits de France n’est pas qu’une simple revue promotionnelle pour un procédé technique nouveau. Elle s’inscrit pleinement dans son époque, tient sa place au sein des débats qui agitent alors le monde de l’architecture et de l’aménagement du territoire. Et elle le fait en donnant longuement la parole aux artisans, mettant en lumière leur expertise et leur talent.