Construite vers 1901 sur une commande de l’ébéniste et décorateur Louis Majorelle (1859-1926) au jeune architecte parisien Henri Sauvage (1873-1932), la Villa Majorelle, monument historique et propriété de la Ville de Nancy, est considérée comme la première maison entièrement conçue selon les préceptes de l’Art nouveau, qui ouvrira la voie à d’autres constructions. Alors que la production des artistes décorateurs nancéiens est en plein essor, aucun bâtiment n’avait en effet encore vu le jour avant que l’entrepreneur ne se lance dans la construction de sa propre maison. Celle-ci témoigne de la collaboration entre architectes (l’architecte nancéien Lucien Weissenburger (1860-1929) en supervise le chantier) et artistes : Jacques Gruber pour les vitraux, Alexandre Bigot pour les grès, Francis Jourdain et Henri Royer pour les peintures, sans oublier Louis Majorelle lui-même pour les ferronneries, boiseries et mobilier, et bien sûr la manufacture Daum pour les luminaires. La villa est alors considérée comme « un manifeste du bon goût et de la modernité » …
Un bombardement détruit en 1916 une partie de la maison et les ateliers situés au fond du jardin. L’achat de la villa en 1931 par le Ministère des Ponts-et-Chaussées a permis heureusement de conserver la maison, alors que plusieurs édifices étaient détruits ou modifiés en raison de la désaffection pour l’Art nouveau jusqu’aux année 1980. En 2003, la municipalité acquiert la maison, classée MH en 1996 puis labellisée Maison des illustres en 2011, et organise des visites guidées jusqu’aux travaux de 2016. Après sa rénovation extérieure, la villa a vu s’achever en février 2020 la réhabilitation d’une partie de ses espaces intérieurs. L’ambition est d’offrir aux visiteurs une immersion dans le Nancy 1900 et la sensation d’entrer dans l’intimité d’une famille. En effet, une partie du décor intérieur et du mobilier étaient encore existants et, en bon commerçant, Louis Majorelle s’était servi de sa villa pour réaliser les catalogues de vente de sa société, ce qui a permis de redonner l’aspect de la maison lors de sa création. Des travaux étaient encore nécessaires en 2020 pour restaurer les pièces des étages et l’atelier de Louis Majorelle. La rénovation aura coûté en tout 3,5 millions d’euros, financés en partie par des fonds de l’Union européenne, des subventions de la Région Grand Est et de l’Etat. Elle a par ailleurs bénéficié de mécénats (200 000 euros) et fait l’objet d’un appel à dons en 2019 par la Fondation du patrimoine.
La Villa Majorelle est désormais ouverte du mercredi au dimanche. Repartir avec un billet souvenir 0 Euro ou un jeton de la Monnaie de Paris, c’est se rappeler que protéger le patrimoine architectural pour le transmettre a un coût … qui n’a pas de prix !
Laurence Bizien, mars 2023