Glaces et verres est une revue de propagande au service de l’industrie française du verre. Sa longévité est exceptionnelle, de 1927 à 1965, sans changement de titre. L’édito du premier numéro insiste : c’est la première revue française sur le sujet, alors que l’Allemagne et l’Amérique ont chacune cinq journaux sur le sujet. Seule la maquette changera bien évidemment, passant du noir et blanc / sépia des années d’avant-guerre, aux couleurs saturées des années 50-60.
Chaque numéro rassemble des informations techniques poussées avec détails de mise en œuvre, calculs et schémas, des présentations de bâtiments, les informations habituelles sur les congrès, parutions, et bien sûr, des publicités pour les produits verriers.
Le premier numéro paraît alors que commence le chantier de la maison de verre de Pierre Chareau, qui sera publiée en 1930. L’apothéose arrive avec le pavillon de Saint-Gobain pour l’exposition internationale de Paris en 1937, vitrine du savoir-faire verrier de la compagnie.
Cette période de l’entre-deux guerre est riche en invention, en perfectionnement : le pavé de verre, associé au béton armé, le fameux béton translucide, autorise toutes les prouesses – voûtes, planchers, escaliers, parois ; le soufflage et l’étirement mécanique augmente la surface des vitrages, c’est le début du pan de verre, des ventouses plus performantes facilitent et sécurisent leur transport et leur manutention ; la glace Securit équipe toutes les nouvelles – et encore rares – voitures, sa résistance est testée dans l’un des premiers crash-test de l’histoire (n°35)
Les photographies nous font entrer au cœur des usines, au plus près des ouvriers du verre. Quelques curiosités : le Palais des Mirages du Musée Grévin (n°31), le bassin des otaries au tout nouveau zoo de Vincennes (n°39), le schéma détaillé de la construction d’un dôme en briques de verre, celui du fonctionnement des ventouses (n°3).
Dans les années 50-60, on trouve des devantures de boucheries, de nombreuses usines et boutiques, des péages et des hygiaphones, des piscines et des cinémas, comme Le Palace et Le Club à Nantes de l’architecte Georges Peynet (n° 160), le centre de thalassothérapie de Quiberon, propriété du coureur cycliste Louison Bobet (n°186), ou encore les toutes nouvelles terrasses fermées et vitrées des cafés (n° 142-143-148). Si on ajoute à cet inventaire, les nombreux articles sur les miroirs, les cloisons et étagères en verre qui équipent bureaux, magasins ou salles de bain, c’est tout le quotidien du français des Trente glorieuses, au travail ou au repos, qui nous est présenté.
On sent à la lecture une fierté de bon aloi sur les progrès accomplis et les exploits techniques qu’ils permettent. Sans jamais oublier d’expliquer les erreurs, les tâtonnements expérimentaux ; sans non plus esquiver les schémas précis et les calculs obscurs pour les non-initiés. Le tout avec une plume alerte et un vocabulaire choisi atténuant quelque peu l’aridité du propos.
Le dernier numéro, en 1965, est un hommage au matériau et aux architectes, ingénieurs, artistes, miroitiers qui le façonnent et l’emploient. L’ultime article nous projette en l’an 2000, et sonne comme une profession de foi aux accents lyriques : le verre, dans tous ses usages, est l’expression de « notre soif de clarté, de transparence et de lucidité. Davantage de lumière, davantage de franchise et, partant, de loyauté ». Simple hasard ? Ce numéro est publié au moment où l’entreprise Saint-Gobain fête avec panache son tricentenaire, et crée sa propre revue : Architecture de lumière.