En mars 2019, à l’occasion de la Journée des Droits des femmes, CLAC, association d’étudiant-e-s de l’ensa Nantes, oeuvrant à sensibiliser, lutter et informer sur toutes les discriminations, dont le racisme et le sexisme, encourage la bibliothèque à participer aux évènements qu’elle organise à l’école.
Nous proposons alors une exposition au titre résolument énigmatique et accrocheur : Postures et postérieurs, mais au sous-titre plus explicite : Stéréotypes de genre et sexisme dans les publicités des revues d’architecture
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L’expo est conçue et montée en 15 jours, mise en forme par des étudiants moniteurs et des membres de CLAC.
Elle rencontre un vrai succès, mesurable aux exclamations indignées ou joyeuses et le plus souvent par les « oh là là ! c’est pas vrai…. ! » incrédules suscités par les caricatures ridicules des femmes…. et des hommes ; car nous avons glissé quelques représentants de la gent masculine eux aussi en but aux stéréotypes. Les publicités sont extraites des revues d’architecture sur une période couvrant un-demi-siècle, des années 1950 à nos jours. Le texte ci-dessous accompagnait l’exposition, il a été rédigé par une enseignante de l’école :
Stéréotypes de genre et sexisme dans les publicités des revues d’architecture
Depuis les années 50, ouvrir les premières pages d’une revue d’architecture c’est plonger dans un monde où les rôles sont clairement figés et conventionnels et dans lequel les stéréotypes ont la vie dure. L’immersion dans cette société convenue se révèle immédiatement dans les pages de publicité qui occupent facilement un bon tiers voire la moitié des pages imprimées.
Sans prétention à l’exhaustivité, le corpus qui nous est montré, donne à lire des stéréotypes ‘genrés’ qui pourraient enrichir la galerie des Mythologies de Roland Barthes qui avait décrit et décrypté tant le plastique, matériau fort en vogue dans les années 50 que le couronnement d’Elizabeth II.
Les femmes se préoccupent de l’aménagement de la cuisine ou de la protection du foyer. Silhouettes au décolleté avantageux ou à la taille et aux jambes fines que dévoile une jupe serrée, elles vont bientôt, libération des mœurs après 68 oblige, se retrouver nues sur un fauteuil de bureau par exemple. Les revues feuilletées sont aussi bien l’incontournable Architecture d’Aujourd’hui que Domus, la milanaise branchée, mais également AMC ou Progressive Architecture, les Cahiers Techniques du Bâtiment se sont aussi adonnés à un storytelling sexiste pour vanter des matériaux.
Le 21ème siècle ramène toujours autant de figures stéréotypées dans les revues françaises à vivre, Exe ou italienne the Plan, l’homme ‘de caractère’ croise la femme mannequin dans son fourreau fendu jusqu’à l’épaule. Mais rassurez-vous une femme architecte a maintenant la possibilité de détenir une AMEX Gold …
Pour conclure quelques lignes de Barthes pour inciter à poursuivre l’analyse :
«Ce qui demeure, outre l’ennemi capital (la Norme bourgeoise) c’est la conjonction nécessaire de ces deux gestes : pas de dénonciation sans son instrument d’analyse fine, pas de sémiologie qui finalement ne s’assume comme une sémioclastie». Roland Barthes, Mythologies, introduction à l’édition de 1970.
Marie-Paule Halgand